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Le temps des fariboles

J'ai ouvert ce site pour évoquer librement ce que les perspectives d'effondrement de notre modèle de société pouvaient produire sur la conscience, en l'occurrence à travers ma propre subjectivité. Librement, c'est à dire sans auto-censure puisque j'ai constaté, au sein de diverses sphères auxquelles j'appartiens, qu'à l'énonciation de propos quelque peu inquiétants sur l'avenir certaines réactions me poussaient à me taire. Je ne voulais ni générer des angoisses pétrifiantes, ni m'opposer stérilement à diverses manifestations de déni, ni passer pour un hurluberlu délirant. Mon idée était plutôt de contribuer à une prise de conscience que je considère comme indispensable. J'ai donc choisi le quasi silence dans mes sphères d'interaction habituelles pour mieux m'exprimer, à l'écart, sur ce qui m'importe désormais. Et ne m'adresser qu'à celles et ceux qui ne remettent pas en question fondamentalement le principe de l'insoutenabilité de notre mode de vie.


Évoquer librement ce que les perspectives d'effondrement produisent en moi...


C'est tellement... énorme que je ne sais par où commencer. D'où mon quasi mutisme depuis que ce site est en ligne, alors que je ne cesse de voir se confirmer, et sans doute s'amplifier, les prises de position alarmistes. Je pense en particulier à l'appel des 15.000 scientifiques, très largement relayé par les médias, ou plus récemment, la confirmation par l'Organisation Météorologique Mondiale que 2017 s'ajoutait aux deux précédentes pour constituer les trois dernières années les plus chaudes jamais observées. Et encore, cela ne concerne que le climat ! Mais on pourrait en dire autant pour les pertes de biodiversité, la disparitions d'espèces ou la multiplication des catastrophes météorologiques. Par contre, parce que nettement moins médiatisées, restent peu audibles les prises de parole autour de la raréfaction des métaux essentiels et, surtout, l'épée de Damoclès que constitue la déplétion des ressources énergétiques. Or c'est bien là ce qui est le plus à craindre à court terme, pour la société occidentale et ses zélés imitateurs...


Pendant quelques années j'ai fait partie de ceux qui croyaient que le "Développement Durable" ou la "Croissance verte" allaient être des solutions, avant de comprendre que c'est la croissance elle-même qui était le principal problème. J'ai aussi cru au mirage (miracle ?) des énergies renouvelables, imaginant naïvement qu'il suffisait de mettre suffisamment de moyens pour aller vers une bienheureuse indépendance énergétique. Las... il n'est plus temps de croire aux fariboles.


Une des innombrables jolies images promettant un avenir vert radieux et tout doux...



Univers parallèle


Non, quel que soit le bout par lequel on analyse la situation, aucune solution indolore n'est en vue. Alors comment ne pas se sentir en complet décalage lorsqu'on réalise que l'insouciance généralisée et les perspectives de continuation dominent dans le discours commun ? Lorsque je vois le monde dans lequel je vis, j'ai l'impression d'être dans un univers parallèle. L'immense majorité de mes semblables semble être totalement inconsciente de ce qui s'annonce devant nous à court terme. Et pour ceux qui sont un peu informés, j'ai l'impression d'une stupéfiante minimisation du problème. Comme s'il pouvait être résolu avec quelques mesures... qui ne seront prises que plus tard. Le mythe de la solution miraculeuse est tenace !


Il y a quelques jours, alors que je participais, en tant qu'élu municipal, à une commission environnementale à l'échelle de l'agglomération, nous a été présenté le bilan de cinq années de Plan Climat Énergie Territorial. Des mesures vertueuses ont été prises, des actions engagées. Tout cela pouvait paraître fort satisfaisant. Puis une étude, fort complète, décrivait les perspectives d'évolution sur le plan environnemental à l'horizon 2050 : ressources en eau, climat, pollution, énergie... D'une part les projections étaient passablement inquiétantes, mais en outre il apparaissait que, quels que soient les efforts entrepris, il ne serait pas possible d'atteindre les objectifs de la Loi de transition énergétique.




À savoir, entre autres : « réduire la consommation énergétique primaire d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à la référence 2012 ». Concrètement, cela veut dire qu'aujourd'hui est décidé que les objectifs de la loi sont d'ores et déjà inatteignables. Un peu comme l'a déclaré Nicolas Hulot à propos de la réduction de la part du nucléaire, reportée de plusieurs années pour cause d'impossibilité technique de s'en passer au terme prévu. Et c'est bien ça le problème : impossible d'enclencher concrètement les actions pourtant indispensables ! Collectivement nous n'y sommes absolument pas prêts. Ce qui confirme bien qu'il nous faudra heurter le mur pour réagir, par obligation physique.


Quand il a été demandé à la salle s'il y avait des remarques, une main s'est levée pour laisser entendre que notre collectivité n'avait pas à faire trop d'efforts puisque d'autres, ailleurs dans le monde, n'en faisaient pas beaucoup. D'autres remarques ? Aucune... J'ai vraiment hésité à prendre la parole, abasourdi que j'étais devant cette passivité, mais j'imaginais déjà les regards suspicieux et goguenards si j'avais émis l'idée qu'avant 2050 le monde aurait sans doute déjà basculé dans un tout autre paradigme. N'ayant rien dit, je me suis senti un peu lâche de ne pas affirmer clairement mes convictions et craintes. Je ne me sentais pas capable d'argumenter avec suffisamment d'éléments probants ce que j'aurais avancé. Faire face au scepticisme nécessite de se sentir suffisamment solide. Il va donc falloir que je me prépare un peu mieux...







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