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Un optimisme hésitant

J'avais commencé à écrire un billet plutôt optimiste sur l'ambiance écolophile du moment. N'étant pas vraiment satisfait de sa tonalité j'ai traîné pour le mettre en ligne, si bien qu'entretemps la décision de Donald Trump de faire sortir son pays des accords sur le climat est intervenue.


Difficile, désormais, d'en faire abstraction. Mon optimisme restauré a pris un coup dans l'aile. Bien que ce ne soit pas une surprise, le choix débile de Trump m'a stupéfait : comment peut-on vouloir faire passer des intérêts particuliers et à court terme avant la sauvegarde générale ? Je savais que ce président était particulièrement stupide mais je pensais que son entourage "sensé" saurait le ramener à la raison face à l'enjeu planétaire. Il n'en fut rien, hélas.

Triste constat.


Un point positif, toutefois, qu'il convient de souligner : le tollé international que cela a déclenché. C'est à cela que l'on sent que les mentalités ont évolué favorablement. Le changement climatique est très largement considéré comme un enjeu majeur au plus haut niveau des états. Même si, dans les faits, les évolutions ne se mettent en place que très (trop ?) lentement, la prise en compte est réelle. Du coup, les résistances au mouvement enclenché sont de plus en plus perçues comme anachroniques. C'est bon signe.


En France on se souvient qu'après le prometteur "Grenelle de l'environnement" qu'il avait initié en 2007, Nicolas Sarkozy avait fini par déclarer, quelques années plus tard, que « l'écologie, ça commence à bien faire ! ». La phrase se voulait assassine, sur un ton critique agacé, mais en la lisant au sens littéral elle était finalement plutôt prémonitoire.

Récemment on a vu, lors de l'élection présidentielle, que ces idées-là avaient désormais la cote. Pas suffisamment pour l'emporter, mais atteignant quand même un niveau d'adhésion record. Deux candidats mettaient l'écologie - au sens le plus large - au coeur de leur programme et, s'ils avaient eu l'intelligence de s'allier, auraient pu faire de cette priorité une réalité. Quoi qu'il en soit j'ai senti que,cette fois enfin, une prise de conscience massive influait de façon décisive sur le vote. Il y avait une mise en accord avec l'inquiétude diffuse et persistante autour de notre avenir humain commun. Je crois qu'on est passé tout près d'un point de basculement. Du coup il aura été frustrant de constater que non, ce ne serait encore pas pour cette fois...


Déçu, oui.


Toutefois, après quelques semaines, le nouveau paysage ne me paraît finalement pas aussi terne que je le craignais. Des signaux ont suscité mon intérêt : que pouvais-je espérer de mieux que la création d'un "Ministère de la transition écologique et solidaire" ? Vous rendez-vous compte ? Un Ministère de la TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE ! Un solide trépied de termes qui reprend le souhait de toute personne un tant soit peu désireuse de changer de paradigme. De plus il s'agit d'un ministère d'état, placé au sommet de la pyramide gouvernementale ! Enfin... pas tout à fait au sommet, quand même. Et c'est ce qui suscite immédiatement un scepticisme certain. Quel seront les possibilités d'action de ce ministère stratégique ? Quelles sont les réelles intentions écologiques du nouveau président ? Qu'aura t-il retenu du message transmis par un vote d'adhésion à d'autres idées que celles qu'il promouvait ? Il est encore bien trop tôt pour le savoir...

Cependant, ce que je retiens de cette période électorale, c'est que certaines forces apparemment immuables ont été sévèrement bousculées et que le paysage politique en a été transformé. Il s'est donc bien passé quelque chose. Il se passe quelque chose, qui dépasse évidemment l'enjeu électoral. À toutes les échelles. J'aimerais que ce soit le mouvement profond que, avec tant d'autres, j'appelle de mes vœux depuis des dizaines d'années. Je l'envisage car, à force de m'informer, et contrairement à ce que je croyais il y a quelques temps lorsque je déplorais que "rien ne bouge", je vois maintenant une multitude de signes. Je perçois, malgré l'inertie d'ensemble, un changement dans les mentalités. Je sais aussi qu'institutionnellement les pratiques évoluent et qu'un mouvement de fond est lancé, même si on n'en voit encore pas beaucoup les effets. Certes, c'est assurément trop lent... mais tout de même ça évolue favorablement. Initiatives individuelles, associatives, industrielles, locales, régionales, étatiques, internationales...

Naïveté de ma part ? Peut-être... mais je crois que l'optimisme est meilleur moteur d'action que le pessimisme. Je veux cependant rester lucide : nous n'en sommes qu'au début. Tout reste à faire et le chantier est titanesque. Les pistes d'action, quant à elles, sont multidirectionnelles. Les délais sont courts, certes, mais nous sommes nombreux et il suffirait d'agir efficacement.


Il y a quelques jours j'assistais à une réunion de présentation d'une monnaie locale, qui se met en place à l'échelle d'une métropole élargie. C'est un système très organisé, mais entièrement sous initiative démocratique et citoyenne. Le principe est vertueux : favoriser l'économie locale, donc la production à courte distance (avec effets écologiques induits), en court-circuitant (en partie) le grand système financier spéculateur. Ça peut paraître dérisoire mais c'est aussi un levier de prise de conscience collective.

Un peu partout je vois se créer des jardins partagés, favorisant une certaine autosuffisance et créant du lien social. Le mot "permaculture" sort des cercles confidentiels d'initiés et commence à se propager. Non seulement comme méthode culturale, mais aussi comme mode de vie : culture de la permanence. L'écologie est de moins en moins vue comme un mode de vie fantaisiste pour quelques illuminés soucieux des petits oiseaux (quoique les critiques lourdingues continuent à fuser). Le principe de la Transition (écologique, énergétique, sociale...) essaime un peu partout dans le monde...

Peu à peu des normes environnementales de plus en plus restrictives se mettent en place, malgré les tentatives de ralentissement et blocage des lobbies et autres organisation professionnelles peu soucieuses du bien être général. C'est lent, ça résiste, mais ça bouge. Bien sûr il y a des marche-arrière, des décisions fondées selon des principes hors d'âge, une vision périmée du monde... et pas qu'aux États-Unis. Mais on peut espérer que ce genre de soubresauts apparaîtront de plus en plus comme anachroniques.


La semaine dernière, en réunion préparatoire au conseil municipal, j'ai réagi à des spéculations sur le développement du territoire intercommunal : les échanges ne tournaient qu'autour d'une vision périmée de l'avenir. Comme si tout allait continuer indéfiniment selon des logiques dépassées : déplacements domicile-travail, individualisme territorial, zones commerciales lointaines. J'ai rappelé à mes collègues élus que le changement climatique et la raréfaction des ressources allaient complètement bouleverser nos habitudes. Qu'il n'était plus temps de raisonner selon les principes de l'ancien monde, celui duquel nous sortons déjà. L'avenir, désormais, doit tenir compte du nécessaire recentrage sur le local, sur une reconquête des solidarités perdues. Personne n'a contesté... et l'échange vain s'est arrêté là. Imaginer le nouveau monde nous laisse sans voix.



Micro-paysage d'une feuille de Gunnera manicata

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