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Les effluves du doute


Parler de l'avenir proche sous l'angle d'une décroissance forcée expose à quelques écueils. L'incrédulité de l'interlocuteur, d'abord, qui se manifeste par un déni plus ou moins marqué tant le scénario présenté paraît inconcevable, énorme, exagéré, apocalyptique. Mais aussi la vague impression de passer pour une personne dont on pourrait douter de la fiabilité des propos : trop pessimiste, trop alarmiste, trop intoxiqué par le discours supposément "écolo-culpabilisant" des médias et ONG militantes. À la lecture des commentaires d'articles de presse évoquant les risques de désordres à venir, la tentative de disqualification est assez flagrante. Même lorsque ces articles restent très modérés quant aux conséquences envisageables sur la vie de chacun. C'est comme s'il ne fallait pas faire peur ! Aussi, je pense qu'il est nécessaire de faire preuve de solides convictions pour s'exposer à énoncer un tel point de vue. J'ai mis longtemps à le faire. Depuis quelques temps je m'y livre avec prudence et parcimonie, tâtant le terrain avant de glisser quelques mots dont j'observe les effets sur l'interlocuteur. S'ils semblent ne susciter aucun écho, j'arrête.


Le scepticisme généralisé n'encourage pas les voix un tant soit peu hésitantes à s'exposer. En ce qui concerne les médias, le journaliste Clément Monfort a parlé d'un tabou de l'effondrement. Sans être suivi, à ma connaissance...


Étant moi-même d'une nature volontiers sceptique, plutôt pondéré, je pense être peu enclin à me laisser berner par les rumeurs alarmistes, élucubrations scientifiques controversées et théories complotistes sulfureuses. Doté d'une forte propension au doute, je ne m'embarque généralement pas à la légère pour exposer des idées qui me semblent pertinentes. Par ailleurs je m'efforce de ne rien affirmer sans vérifications préalables.



D'un autre coté il ne me semble pas être dogmatique et je ne saurais rester longtemps hermétique à la contradiction face à une démonstration suffisamment solide et argumentée. Cela pourrait alors avoir rapidement tendance à me convaincre. Or, jusque là... seule la dimension "inconcevable" - parce qu'inimaginable - de ce qui s'annonce m'empêche d'adhérer sans réserves.



Irrésistiblement et peu à peu convaincu, je reste cependant traversé par les effluves du doute : et si je me trompais ? Et si je me laissais emporter par des craintes fantasmées ? Le contraste est tel entre ce que je "sais" (crois) et le peu de changement perceptible que j'en viens à douter du bien fondé de tout ce que j'ai lu, vu et entendu depuis quelques années. Et si ceux qui considèrent que l'effondrement est inéluctable étaient alarmistes ? Et si... leurs postulats étaient faux ? Et si leurs calculs étaient aberrants, incomplets, surévalués ou que sais-je encore ?

Mais j'ai beau "douter", ce que j'ai appris me rattrape et je ne saurais le nier trop longtemps. Aucun argument contraire ne parvient à me convaincre que ces gens-là se trompent. D'ailleurs ils ne vocifèrent pas, ne cherchent pas à imposer leur point de vue, ne disent pas qu'ils ont raison : ils informent en fonction de ce qu'ils savent, observent, compilent. Libre à chacun de les suivre ou pas.


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