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Ancien monde

Je me suis rendu la semaine dernière à un colloque intitulé « Effet de serre et effets de société », animé par des scientifiques, des acteurs de la politique, et quelques personnalités. Bien que relativement bien informé sur cette inquiétante évolution climatique, je n'ai pas été déçu par tout ce qui s'est dit durant cette journée marathon. Il me serait difficile d'en rendre compte de façon synthétique, et de toutes façons je pourrais me dire qu'un blog n'est pas un espace dédié à ce genre de réflexions. Il n'empêche que c'est un support de diffusion et qu'à ce titre il n'est pas inutile qu'il contribue, même infinitésimalement, à la prise de conscience collective. D'ailleurs il en a été question là-bas : chacun doit agir et faire agir. A l'échelle individuelle il est déjà possible de communiquer pour informer. Donc... vous n'y couperez pas ! Non non, ne vous sauvez pas, c'est important. Bien plus important que tout le reste !

Un phénomène difficile à appréhender par la conscience

Je ne m'attarderai pas sur tous les aspects scientifiques, aisément accessibles pour qui s'y intéresse (cliquez derechef sur le plaisant mais très sérieux site de Jean-Marc Jancovici), mais plutôt sur notre rapport collectif face à ce phénomène sans précédent et d'une ampleur difficile à appréhender par la conscience. Raison de plus pour en parler ! De mes dix pages de prise de notes je retiendrai quelques éléments qui me paraissent significatifs. D'abord une idée maîtresse, impressionnante : nous venons de quitter l'ancien monde. Celui qui est devant nous, là, maintenant, sera fort différent de ce que nous avons connu. Il devrait déjà l'être. La personne qui énonçait cela n'était pas quelques militante alarmiste de la cause écologiste, mais l'ancienne présidente de la Mission interministérielle sur l'effet de serre. Et elle le disait avec le plus grand calme. Tous les scientifiques qui se sont exprimés le faisaient avec la même tranquille assurance: c'est une certitude, nous allons vers un réchauffement climatique qui aura des conséquences majeures, quoique difficilement prévisibles, sur l'ensemble de l'humanité. Les incertitudes ne concernent que l'amplitude des changements et l'échelle de temps dans laquelle ils se dérouleront. Conséquences sur le climat, bien sûr, mais aussi sur la biodiversité. Sur l'humain aussi, en autres espèces animales, qui devra s'adapter concomitamment à une raréfaction des ressources énergétiques à bon marché, tout en changeant radicalement son rapport à la croissance "infinie", le tout dans un contexte de modification de la répartition de l'eau et donc de l'agriculture qui le nourrit. Autrement dit : ça va pas être simple ! Lorsque sont mis en évidences les chiffres, les faits, les graphiques, et l'étendue des conséquences à prévoir, on se demande pourquoi on n'a pas encore changé notre mode de vie devant l'urgence. Car il n'est plus question de parler de lointaines "générations futures", mais bien de générations présentes : ceux qui vont vivre ces changements avec le plus d'acuité sont déjà nés ! On peut se demander ce qui cause cette « apathie civique » qui nous fait continuer à vivre comme s'il ne se passait rien. Le problème présente plusieurs handicaps pour la prise de conscience. Pas seulement au niveau cognitif, mais dans notre capacité même à le saisir.

  • il ne heurte aucun tabou (ni violence, ni transgression, ni génocide spécifique)

  • il n'y a pas de "responsable identifié", pas de "dictateur", pas de "démon". Nous sommes tous responsables... donc personne ne paraît l'être.

  • la sensibilité morale n'est pas mise en cause, il n'y a pas de sentiment "d'injustice".

  • pas de danger manifeste et immédiat. Ça parait lointain dans le futur, donc ne semble pas concerner le présent

  • la menace est non seulement lointaine, mais son évolution est lente à notre échelle de temps. L'idée même d'évolution laisse croire qu'on va s'adapter, s'habituer, alors qu'il s'agit d'une révolution pour l'humanité

On joue sur l'incertitude, omettant de regarder les certitudes. Or il y a des certitudes: il va falloir payer le prix de cette révolution.​ Soit on paye plus cher et plus tard, soit moins cher mais tout de suite. On a tendance à ne pas vouloir payer...





Pourquoi l'immobilisme ?


Ce qui se passe est difficile à conceptualiser, parce que totalement inconnu : on a peur de quelque chose qui ne s'est jamais produit dans l'histoire de l'humanité, et qui ne devra jamais se produire. Tout cela est assez abstrait...


La mise en oeuvre passe par une volonté politique, or on sait que la politique voit à court terme, échéances électorales obligent. C'est par la pression citoyenne que les politiques agissent. Or les citoyens sont peu informés. Les médias de masse, à commencer par la télévision, sont particulièrement discrets sur ce sujet. Sauf évènements exceptionnels il n'est pas spectaculaire, à moins de verser dans un catastrophisme outrancier qui dessert la prise de conscience: ça parait "trop gros" pour être vrai.


La méconnaissance du public implique qu'il n'y a pas de pression sur les politiques. De plus, toutes les mesures à prendre paraissent fortement liberticides... tant qu'on continue à penser selon la logique de "l'ancien monde". Mais l'ère de la croissance illimitée et des ressources naturelles abondantes est révolue.


On a aussi tendance, notamment en France, a se dire que notre petit pays ne contribue que peu à l'accroissement de l'effet de serre. A 3%, on est bien loin des vilains américains qui a eux seuls y contribuent à 25%. Et que dire des chinois qui vont bientôt battre les américains sur ce terrain ? Pourtant c'est bien l'affaire de tous les pays industrialisés. Nous sommes tous concernés. Et nous le sommes doublement puisque nous devons laisser les pays émergents se développer comme nous l'avons fait en profitant de ressources comme si elles étaient illimitées. Nous devrions donc réduire d'autant plus notre train de vie fondé sur le gaspillage, ayant épuisé notre "quota" depuis longtemps.


Et le "nous" ce n'est pas seulement le collectif, mais l'individu. Chacun doit, individuellement, réduire sa contribution au réchauffement et à l'épuisement des ressources communes. Mais pas réduire de quelques pourcents, non, réduire d'un facteur quatre notre contribution à l'émission des gaz à effet de serre. On peut se retrousser les manches... et faire preuve d'inventivité pour nos modes de vie.


C'est bien là l'enjeu du défi humain qui se présente : il faut partager ! Partager les ressources, partager les responsabilités, et prendre conscience de notre interdépendance. Nous sommes tous sur le même espace fini.



Changer nos représentations


Puisque qu'il semble utopique de vouloir réduire par quatre notre consommation selon le mode de vie actuel, il faut trouver d'autres moyens d'y parvenir. On entre là dans le champ du social et du culturel, et même dans celui du civilisationnel. C'est tout notre mode de représentation qui va devoir changer. La société du jetable ne peut perdurer. On ne peut continuer à gaspiller des ressources précieuses et limitées. On ne peut épuiser un stock qui est nécessaire à bien d'autres usages que de finir à la poubelle.

Dans nos pays industrialisés il existe une schizophrénie entre l'exigence de réduction de la consommation et une industrie publicitaire qui nous vante l'inverse à coup de véhicules 4x4, de climatisation, ou de voyage en avion à bas prix. Le citoyen est perdu entre des messages contradictoires, poussant d'un côté à un changement sur le long terme, de l'autre à la jouissance immédiate. Un monde rêvé et tentateur qui ne correspond plus à ce qu'il est en train de devenir. En fait c'est la représentation du rêve qu'il faudra changer, pour revenir à quelque chose de plus réaliste, plus concret, plus accessible. Attendre dans l'immobilisme ne fera qu'induire un jour à la prise de mesures autoritaires. Convaincre maintenant, ou contraindre plus tard. Il est à craindre qu'il faille passer par la contrainte...


Le rôle de chaque citoyen est donc de s'impliquer pour que la prise de conscience se fasse. S'impliquer en se fédérant, en s'associant, pour exercer un levier sur l'inertie du pouvoir. Et s'impliquer en faisant circuler l'information...



Merci d'excuser l'éclairage assez superficiel que j'apporte, je ne suis pas un spécialiste du sujet.









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