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Quand les blés sont sous la grêle

  • Billet extrait d'un blog antérieur
  • 27 janv. 2017
  • 4 min de lecture

Il ne t'aura pas échappé, ô impénitent-e lecteur-trice de ce blog, qu'un prépondérant sujet s'est invité sans partage dans mes écrits. Tu en auras compris les raisons : j'ai eu un choc en traversant le mur de la conscience. C'est comme si, soudainement, j'avais - enfin - ouvert les yeux. Maintenant je sais. Non pas en termes de savoir [quoique...], mais plutôt par incorporation. Littéralement : in corpore. C'est entré en moi. Intellectuellement, sensoriellement, émotionnellement. Humainement. Il y a là quelque chose qui touche au viscéral. À l'instinctif. Au vital.

Pourtant, en dehors de ce blog, rien n'a visiblement changé dans mon existence et mon entourage ignore tout de mon passage "de l'autre côté". Je n'en parle pas. À peine fais-je parfois allusion aux enjeux de l'avenir, en vue de sentir à quel degré de réceptivité se situe mon interlocuteur. Généralement il n'y a aucun écho. Au mieux quelques banalités. Ces questions-là, si elles préoccupent vaguement, sont reportées loin dans le temps. Il n'y a aucune notion d'urgence. Il y a surtout une grande méconnaissance de la multiplicité des phénomènes, de leur intrication et de leur ordre de grandeur.

Je n'insiste pas. Je ne cherche pas à convaincre. Les réticences sont trop fortes. Tout au plus puis-je chercher à éveiller, à titiller la conscience, à susciter la curiosité et l'envie d'en savoir plus. Je sème quelques graines. Un peu comme ce que j'ai proposé ici depuis quelques semaines.


En moi, maintenant, qu'est-ce qui a changé ? À la fois tout et pas grand chose. Tout, en tant que changement de paradigme : la réalité n'est plus la même, les perspectives non plus. Les illusions sont tombées et elles ne reviendront pas. Je ne vois donc plus l'existence de la même façon. Ni celle de la société de laquelle je suis issu, ni celle mon existence propre. De même, je ne vois plus les rapports relationnels comme auparavant. Individualisme, liberté, partage, solidarité, entraide... tout a été bousculé. De nouveaux contours se dessinent.

Pour le "pas grand chose" du changement, cela concerne seulement la surface. Les apparences. Aucune modification n'est visible, je n'ai pas changé de comportement ni d'habitudes. Pour le moment je ne fais que prendre conscience des changements et prévoir leur mise en oeuvre. L'objectif visé est d'adapter mon mode de vie à la raréfaction des ressources. Aller donc vers un maximum d'autonomie énergétique, en réduisant très fortement ma dépendance à tout ce qui, tôt ou tard, viendra à manquer. Si je ne veux pas que le choc soit trop rude, je dois me mettre en marche sans délai pour être prêt le moment venu. J'ai tout un chemin à parcourir. Il me faut m'informer, apprendre, imaginer, rencontrer. Je dois imaginer mon lieu de vie en conséquence. Me préparer à vivre dans l'abondance frugale et la sobriété heureuse. Les oxymores apparents de ces formules nous rappellent, et c'est capital, que les changements à venir ne seront pas nécessairement tristes. Au contraire, nous avons probablement beaucoup à gagner en retrouvant des existences fondées sur l'entraide et la parcimonie, la modération et la tempérance. J'ai envie d'y croire. J'agis dans ce sens.


Oh je sais : tout cela peut faire sourire. Et peut-être restera risible aussi longtemps que les effets du reflux tarderont à se faire réellement sentir. Mais s'il devait être rapide, voire brutal, mieux vaudra s'y être préparé à l'avance. Parce que ne ce sera pas qu'un mauvais moment à passer : ce sera définitif. Mieux vaut accepter au plus tôt cette idée qu'il n'y aura pas d'échappatoire. Pas de seconde chance, pas de retour à la croissance et au gaspillage, pas de nouvelle énergie miraculeuse. Le "cadeau" du pétrole, énergie gratuite à très fort potentiel, était à un seul coup. One shot !


À chacun de nous, maintenant, de reprendre contact avec les réalités naturelles. Pour ma part, je trouve que c'est un beau défi que ce retour vers une forme d'équilibre et de respect. Qui sait si, après le chaos, ne viendrait pas une sorte d'harmonie ? Oui, je rêve...


À ce point de la lecture tu constates donc, cher-e lecteur-trice, que je prends tout cela très au sérieux. Autant te dire que l'importance relative du reste me paraît bien dérisoire. J'irai jusqu'à dire que ça me glisse sur la couenne. Lorsque j'entends certaines prospectives économiques et sociétales pour l'an 2050 je décroche totalement. Ce n'est plus mon monde. Et lorsque quelques politiciens - on en voit beaucoup en ce moment - me promettent je ne sais quelle relance miraculeuse de la croissance, je ris sous cape de leur imbécillité. Les seuls programmes politiques présentant de l'intérêt, à mes yeux, sont ceux qui mettent la préoccupation environnementale et sociale au coeur de leur projet. Donc l'arrêt de la croissance. Tous les autres ne méritent aucune considération : ils ne comprennent rien de ce qui se passe.


Quand les blés sont sous la grêle Fou qui songe à ses querelles Fou qui fait le délicat Au coeur du commun combat


De manière plus générale, en ce moment, tout ce qui n'exprime pas, de près ou de loin, la conscience que la Vie - pas seulement humaine, ni actuelle, ni visible - est absolument précieuse, ne m'intéresse pas. Faisant fi de ma propre existence, une seule chose m'importe, au final : que la biosphère dans toute sa riche diversité soit préservée des outrages que l'humanité avide lui fait subir.


Photo : épis de petit épeautre, Alpes Maritimes Poème : Extrait de "La rose et le réséda", Louis Aragon


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