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Sereinement fataliste

Hier soir, dans un restaurant gastronomique en pleine campagne, mon fils est attablé face à moi. Ce grand gaillard de 26 ans, diplômé de Science-Po et féru d'histoire, revenu de Beyrouth depuis un an, s'intéresse au monde depuis longtemps. Son approche, éclairée par deux années passées au Liban, m'intéresse toujours. Nos échanges s'orientent souvent vers des considérations sociétales, environnementales et politiques.


Je lui demande ce qu'il pense de la situation actuelle. « Laquelle ? » me répond-il en souriant, m'invitant ainsi à préciser ma pensée. J'évoque les attentats et ce qui en découle, les réactions diverses que l'on peut entendre ou lire.

La discussions s'engage, chacun apportant des éléments de connaissance et de réflexion à l'autre. Bien qu'il ait vécu au Proche-Orient, mon fils a la modestie de dire qu'il n'a vu les choses que de l'extérieur. Impossible pour lui de prétendre "connaître" la culture d'un pays, d'une région, en si peu de temps. Il n'empêche qu'il bénéficie d'un regard légèrement excentré par rapport à la France.


Quand nous en venons à parler de la différence de réaction par rapport aux derniers attentats de Beyrouth, qui ont eu lieu la veille du 13 novembre, il souligne l'habituation : au Liban il y a des dizaines d'années que des attentats ont régulièrement lieu. Cela entretient une sorte de fatalisme, issu d'années de guerre, qui n'atteint nullement la joie de vivre. Bien au contraire...

Lorsque notre échange s'élargit au devenir de la société humaine, son approche est beaucoup moins inquiète que la mienne : on s'habituera. Comme au Liban. Là où je vois le risque de perte de l'extraordinaire qualité de vie que nous avons, il me rétorque que nous ne sommes pas forcément aussi privilégiés qu'on peut le croire. Et de me citer la qualité des liens sociaux qui peuvent exister dans des pays encore pas trop gangrénés par l'hyperconsumérisme. Je dois reconnaître qu'il a raison. Nous convenons que si notre société en arrive à vouloir recréer du lien social, c'est bien qu'il est indispensable à la notion de qualité de vie.


Mon fiston, pourtant directement concerné par le devenir du monde à quelques décennies d'échéance, ne se montre pas vraiment préoccupé par ce qui pourrait advenir. Non qu'il soit inconscient des enjeux mais parce qu'il est porté par un fatalisme bien assumé : nous accepterons ce qui adviendra. Quand je lui rappelle les cris d'alarme des scientifiques nous annonçant que nous allons droit dans le mur et qu'il faut nous préparer à avoir mal il reste serein : l'homme s'est toujours adapté aux grandes mutations. Et de me citer la chute de l'Empire romain, étalée sur deux siècles, dont il est probable que les populations ne se sont pas rendu compte lorsque c'est arrivé. Son calme me fait du bien.


Face aux échéances probablement beaucoup plus courtes des mutations qui nous menacent, nous en venons à évoquer une certaine curiosité pour cet avenir qui pourrait bien avoir quelque chose de fascinant : que va t'il se passer ? Comment l'humanité va t-elle s'adapter ? C'est un peu comme un film à suspens grandeur nature, à l'échelle de nos vies. En espérant que ce ne soit pas le remake d'un monde à la Blade runner...


Milieu naturel sensible, de terre et de mer (Cap Breton, Nouvelle Ecosse)

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