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Le désordre des priorités

Ça y est, l'épisode des vœux est passé ? On peut commencer l'année ? Parler des choses sérieuses ? Alors en avant...

Hier, en ce premier jour de l'an de grâce 2017, sur Oxymoron fractal quelques mots alléchants retiennent mon attention. « Bilan écologique : Réflexions sur notre situation écologique planétaire en cette fin d'année 2016, début 2017 ». Insatiable curieux sur ce qui concerne ces questions-là [vous me connaissez...], je clique. Paf ! Ce que je lis me percute de plein fouet. L'analyse est implacable, sans concessions. J'aime ! Tout ce dont la lucidité qui m'importe avait besoin.

« En ce début d’année 2017, et au vu des évènements qui ont marqué l’année précédente, nous vous proposons un bilan de notre situation collective, en nous appuyant sur les multiples traductions et publications de notre site, selon la perspective qui nous paraît de loin la plus importante, l’écologie. Le simple fait que cette perspective ne soit pas considérée, aujourd’hui, en 2017, comme primordiale par l’ensemble des humains, ni même par une majorité d’entre eux, annonce déjà l’allure du paysage ».

Aaaah, voilà qui recoupe exactement ma perception des choses : dans notre société inondée d'informations l'ordre des priorités est inversé. Le dérisoire passe avant le primordial, l'anecdotique avant le fondamental, l'éphémère avant l'avenir de l'humanité. C'est ainsi.


L'article est long, très long, [ce qui le rendra rédhibitoire pour les pressés] mais je le lis du début à la fin. J'y trouve tout ce que je pressens, enfin clairement abordé : « Le constat est sans appel. La civilisation est un processus insoutenable ». Ah c'est sûr, c'est pas vraiment rassurant ! Mais tellement logique. Impitoyablement logique : « le renoncement ne fait absolument pas partie de l’idéologie progressiste de la civilisation, qui le tient en horreur ». Tiens, oui, vous en connaissez beaucoup, autour de vous, des gens qui se disent prêts à renoncer à notre sur-confort moderne ? « Du fait de son aliénation, la civilisation ne compte renoncer à aucune des pratiques qui la composent, et qui précipitent actuellement [une] annihilation du vivant. Beaucoup de scientifiques reconnaissent désormais que la 6ème extinction de masse est en cours, sauf qu’à la différence des précédentes extinctions de masse, celle-ci est causée par l’être humain, et plus précisément par l’être humain « civilisé ». »

L'article s'attèle à zigouiller toutes les illusions : développement durable, transition énergétique, énergies renouvelables, écocitoyenneté, gouttes de colibri... aucun de ces gadgets et éléments de langage n'est à la hauteur du défi colossal qui nous attend. Non, c'est carrément la civilisation qui irait à sa perte. Elle porterait en elle-même sa destruction. Intrinsèquement.


Pessimisme outrancier ? Je ne crois pas... Mon optimisme s'efface devant le pragmatisme.


L'article évoque « l'optimisme pathologique » dont nous ferions preuve. « Ce refus de renoncer à tout ce qui est considéré comme du « progrès » (au mépris des conséquences clairement destructrices et auto-destructrices) s’appuie sur une croyance quasi-religieuse en ce que la technologie, d’une manière ou d’une autre, bien que largement responsable du problème monstrueux auquel nous faisons face, sera notre salut. »

Argument difficile à réfuter, n'est-ce pas ?


Bon, je ne voulais pas trop plomber l'ambiance post-festive du « bonne année, bonne santé » en abordant ce sujet grave hier. Trève des confiseurs oblige. Mais ce matin, réveil en fanfare : « on se comporte comme des talibans dans un musée magnifique : la nature. On y détruit tout, les oeuvres ainsi que les réserves » [émission à écouter ici]. En ce tout début d'année, par un acte délibérément militant - dixit le journaliste - il était question de... la 6eme extinction de masse du vivant. Et vlan, deuxième couche pour bien commencer l'année ! Une nouvelle claque, qui m'a laissé scotché, encore une fois : mais vers quel monde allons nous ? J'ai eu froid dans le dos en imaginant le possible chaos à venir. Franchement, je ne vois plus d'issue douce. Les délais deviennent trop courts. À mon avis une de ces prochaines années ne se sera pas si "bonne" qu'on se la souhaitera. Quand ? Nul ne le sait. Jusqu'à quel degré d'effondrement devront nous faire face ? Combien de temps résistera notre vernis social ? Que voudront dire solidarité et fraternité à l'heure de l'épreuve ? Mystère...


C'est pas gai, hein ? Et bien voyez-vous, peu à peu j'accepte cette réalité. J'en prends acte. Je me prépare mentalement. Je profite encore plus du temps de paix que nous [les privilégiés] vivons. Parce que ça ne durera sans doute pas éternellement. On ne sait pas de quel côté ça va lâcher [ressources, migrations, climat, biodiversité...] mais ce qui est sûr c'est que ça ne tiendra pas longtemps à ce rythme de croissance effrénée. Quelle solutions pourront-elles prendre le relais ? Quelle sera la capacité des humains à revenir à une juste mesure sans se foutre sur la gueule ? Mystère et boule de gomme, là encore...


Bon, ça y est, je crois que j'ai gâché l'ambiance joyeuse...

J'avoue que j'ai eu un peu de mal, ce matin, à reprendre le chemin de la vie "normale" et insouciante. Ça n'a pas duré : en retrouvant les collègues j'ai participé à l'aimable convivialité des « bonne année ! Meilleurs vœux ! ». Je me suis conformé à la légèreté sociale qui convenait. Après tout... je ne vais pas me mettre la rate au court-bouillon. Nous verrons bien...


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