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Mutation

Aujourd'hui le rapport que j'entretiens avec le blog me rend hésitant. Qu'ai-je envie de communiquer, de transmettre, de partager ? Habituellement c'est ce qui m'anime, me fait vibrer, me plaît, m'interpelle, me dérange, me révolte. Actuellement, à l'évidence, ce qui m'anime est une inquiétude sur notre devenir commun. Le reste en devient, relativement, dérisoire. « Quand les blés sont sous la grêle... ». Alors pour le moment ma seule envie, avec les modestes moyens d'expression dont je dispose, est de contribuer au réveil des consciences. Ambitieux programme... Est-il utile que je cherche à y participer ? Je l'ignore mais je le fais par nécessité intérieure. Est-ce que cela me satisfait ? Je me le demande...


En fait je crois que le peu d'écho suscité par mes récents billets passionnés [à défaut d'être passionnants] m'a renvoyé à une réalité : ce sujet ne suscite guère la prise de parole. L'intérêt, peut-être, mais pas l'expression. Est-il trop grave ? trop anxiogène ? trop alarmiste ? trop délirant ? trop incertain ? Ou tout autre chose ? Je l'ignore. Toujours est-il que cela me renvoie à une sensation de décalage par rapport à mes homologues blogueurs généralistes. Et c'est normal puisque je me focalise sur un unique sujet ! Mi-informationnel, mi-personnel, ce blog a une tonalité hybride : les analyses que je propose sont émaillées de perceptions égocentrées. Je combine fragments scientifiques et observations subjectives, faits et projections. Qu'attends-je de cette forme d'expression ? Je ne sais pas... Peut-être d'être rassuré par l'importance de la prise de conscience ? Comme si je voulais vérifier que "les gens" se sentaient en fait beaucoup plus concernés que ce que les médias en disent. Or les médias jouent leur rôle d'amplificateurs de l'opinion majoritaire. Et l'opinion majoritaire, dans les faits, elle a autre chose à penser que l'avenir de l'humanité à moyen terme. Et plus encore à long terme. Quant à ceux qui y pensent, je suppose qu'ils font comme moi : ils restent dans l'expectative. Comment agir ? Comment changer ? Par quoi commencer ? Le défi est tellement colossal !


Alors on fait ce qu'on peut, un peu à l'aveuglette, tout en ayant conscience que ça ne suffira pas. Et on continue à vivre "normalement", en essayant d'être un peu vertueux, un peu responsables, un peu sobres. Mais fondamentalement on ne remet pas en question le modèle productiviste pilleur de ressources naturelles, exploiteurs d'hommes et d'animaux. Ou si on le fait on en reste au niveau des idées, faute de vouloir vivre en marge de la société.

La vraie transition, la vraie décroissance, la vraie sobriété, c'est d'une toute autre teneur. Ce n'est pas du cosmétique. C'est un engagement résolu à renoncer à nombre d'éléments qui font que nos vies sont devenues "confortables"... mais aussi aliénantes.


J'en suis là. À me demander à quoi je vais renoncer. À me préparer à une réelle sobriété énergétique. À élaborer un programme d'actions, afin de ne pas être submergé par la masse de changements envisageables. Quelles sont les priorités ? Quels sont les changements immédiatement possibles ? Quels sont mes objectifs à un ans, deux ans, cinq ans ? Et si je me trompais ? Et si je me faisais peur avec un stupide scénario catastrophe ? Pourquoi la plupart des gens ne s'emparent-ils pas de ce sujet majeur d'inquiétude ? Suis-je bêtement crédule et inutilement alarmiste ? Elle est où, la vérité ? Du côté de la science ou du côté de ce qu'on perçoit ?


Je connais la réponse...


Face à l'inertie ambiante, j'ai parfois des envies d'actions radicales. Un peu à l'image de ce que prône Deep Green Resistance. Une intéressante confrontation de points de vue a d'ailleurs été proposée sur Reporterre, il y a quelques jours. D'un côté une approche sans concessions, celle de Nicolas Cazaux, membre du mouvement DGR susmentionné ; de l'autre celle de Cyril Dion, le sympathique réalisateur du film Demain, co-fondateur du mouvement Colibris et du magazine Kaizen, partisan d'une transition douce.


Qui pourrait n'avoir aucun doute sur ses choix ? Aussi je n'ai pas été surpris de lire le même Cyril Dion faire part de ses inquiétudes profondes, malgré l'optimisme souriant habituellement affiché : « Quand on regarde honnêtement la situation, on peut avoir de bonnes raisons de désespérer, de se dire qu’on ne parviendra pas à enrayer la destruction de la planète. Parce que ça va trop vite, parce que la plupart des gens ne voudront pas renoncer au confort, parce que les forces en puissance sont très difficiles à renverser, parce que les êtres humains ont beaucoup de mal à s’entendre. Tout ça me travaille. Au point d’en faire des crises d’angoisse − je dois parfois aller aux urgences −, et d’avoir de gros moments de déprime. » [Source : Le Monde]

Cette déprime, c'est aussi celle dont témoignait Pablo Servigne, dans ses articles et vidéos, lors de sa prise de conscience. Par exemple ici : « Face à ce sujet toxique, moi, j’ai maigri. On en a pleuré, on était dans la colère… » [Source : Terraeco]. C'est aussi celle qui est décrite là : « Le fondateur du mouvement Transition, Rob Hopkins, parle de “syndrome de stress postpétrolier”. Un syndrome qu’il est nécessaire de digérer pour ensuite “voir ce moment comme une importante mais positive transition” dans notre vie. » [Source : "Sortir du pétrole"]. Chacun d'eux, lucide, a préféré aller vers une décroissance choisie afin d'en atténuer la rudesse. C'est aussi la voie que j'ai envie de suivre.



Regarder le monde autrement - Lichens (détail)

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